Qualité architecturale des lieux de soins et chronicisation
En est-il de même des lieux comme des gens ? Faut- il être désagréable pour éviter des liens trop durables ?
Si les louables attentions portées à la qualité des lieux de prise en charge en Santé Mentale par les soignants et les architectes pour y soutenir le bien-être des patients aboutissaient à ce qu’ils ne veuillent plus quitter les lieux ?
« La croyance en l’importance de l’architecture est fondée sur l’idée que nous sommes, pour le meilleur et pour le pire, des personnes différentes dans des lieux différents, et sur la condition que c’est la tâche de l’architecture de rendre plus clair à nos yeux ce que nous pourrions idéalement être. »
Alain De Botton – L’architecture du bonheur – Ed Mercure de France, Bibliothèque étrangère
Si un lieu nous renvoie une image en quelque sorte améliorée de nous-mêmes, pourquoi aurions –nous alors envie de le quitter ?
C’est toute la question lorsqu’il s’agit de lieux de soins psychiatriques dont la finalité est d’aboutir à ce que les personnes hospitalisées puissent en sortir. Comment concilier la fonction de refuge nécessaire et celle de soutien à la reprise d’un élan ? Comment être suffisamment hospitalier pour nourrir l’affranchissement à la dépendance et permettre la mise en mouvement ?
Sans doute en interrogeant la question du désir classiquement articulé au manque et celle de la conception architecturale nécessairement articulée à celle du soin psychique qui peut se révéler variable selon les lieux et les acteurs du soin.
Les qualités intrinsèques d’un lieu comme la lumière, l’harmonie, la diversité, la fluidité, peuvent créer les conditions d’un « chez soi » thérapeutique, que des rituels d’usage rendent petit à petit familier au point qu’il devient assimilé à un espace personnel. C’est ce degré d’intimité que les patients entretiennent alors avec le lieu de leur prise en charge qui les rassure et qui les autorise à y déposer un matériel psychique, une trace d’eux-mêmes en quelque sorte. C’est cette inscription rendue possible qui peut alors permettre la reprise d’un itinéraire, d’une histoire qui continuera de se déployer sur d’autres lieux, des lieux de vie.
Il s’agira alors de questionner le projet médical – dans ses déclinaisons mais aussi en termes d’intentionnalité – notamment à travers la retranscription spatiale du parcours du patient, mais aussi la manière dont les soignants intègrent la temporalité psychique des patients, pour éviter ce double écueil : le risque d’un refuge « à demeure « et celui d’une trop brève rencontre. Sans oublier d’intégrer à cette réflexion la délicate question de l’architecture de l’habitat hors les murs, notamment pour les populations précaires ou stigmatisées ?
Pour désirer un Ailleurs, encore faut-il qu’il puisse faire un peu faire rêver …